D'Octobre 1950 à Mars 1955, je suis en parcours SES à Busseau sur Creuse
A cette époque, des lignes téléphoniques mixtes PTT/SNCF qui longent la/les voie(s) ferrée(s), en provenance de Montluçon et Aubusson/Felletin, se regroupent à l'extrémité du Viaduc de Busseau, côté Montluçon.
L'artère téléphonique ainsi constituée franchit la vallée de la Creuse en une seule portée aussi longue que le viaduc, soit 330 mètres environ.
Pour soutenir cette monumentale guirlande, des appuis à structure renforcée en poteaux bois plus jambes de force sont implantés au droit des extrémités du viaduc.
(Paraît-il qu'il avait été envisagé à une époque d'accrocher la nappe téléphonique au viaduc, avec plusieurs supports intermédiaires, mais l'idée avait finalement été repoussée)
Une nuit d'hiver, je ne me souviens pas de l'année, il a neigé avec un très fort vent.
Lorsque je suis arrivé en gare de Busseau le matin suivant, l'ambiance était au sombre: plus de téléphone omnibus avec Cressat, plus de Tel. Régulation, plus d'Auto-Sélectif, cloches Cressat et Ahun en dérangement etc ...
La raison: des fils (3 ou 4 seulement) coupés au franchissement de la vallée, et d'autres fils mélangés dans la nappe.
La remise en ordre échappe à mes faibles possibilités.
Imaginez 300 m de fils pendant dans le vide et ceux qui sont entortillés !
Des équipes de lignards PTT arrivent dans l'après-midi, (chez-eux c'était la cata aussi), rejoints par leurs équivalents SNCF de Limoges, et je suis inclus dans l'équipe ainsi formée. Enfin trois équipes, une à chaque extrémité et une qui fait la navette d'une extrémité à l'autre au gré ds besoins.
Quand je dis 'inclus', c'est surtout en qualité de 'mousse', je donnerai des coups de main sans monter au poteau, les 'lignards' ne partagent pas leurs prérogatives... surtout sur un tel chantier.
Pendant qu'une équipe s'affaire au sol (sur le tablier du viaduc) à préparer la remontée des fils coupés, les autres s'occupent, sur poteaux, des fils mélangés.
Dans un portée normale entre poteaux peu espacés, un seul agent suffit, je l'ai pratiqué souvent: monter au poteau, ne pas oublier de se ceinturer, tapoter du plat de la main l'un des fils,(en majorité, ce sont les fils sur même plan qui se mélangent.) et avec de la chance, tout revient vite normal.
Avec moins de chance, le point de mélange se déplace, il faut alors grimper à l'autre poteau et recommencer, quelquefois faire plusieurs va-et-vient.
Mais sur une portée de 300 m, il ne suffit pas de tapoter ! C'est secouer fortement, et on voit le mélange courir d'un bout à l'autre de la portée, jusqu'au moment où la chance sourit !
Si la chance ne veut pas aider, on coupe !
Concernant les fils coupés, la seule solution est de finir de les faire tomber, puis d'en mettre d'autres à la place.
Sur toute la longueur du viaduc, le fil futur est déroulé sur le tablier le long du garde-corps 'avec du rab', des cordages arrimés à une extémité sont descendus dans les 'cheminées' de la nappe de fil là où il y du remplacement à faire, le fil déroulé est attaché à l'extrémité libre des cordages, puis avec les agents 'au sol' répartis le long de la rambarde, le fil est lâché dans le vide.
Après stabilisation des balancements et malgré le vent, la remontée se fait doucement, il faut éviter un mélange avec les autres fils de la nappe.
Tout d'abord à une extrémité, fil non tendu, arrimage/ligature solide à l'appui.
Aux deux appuis encadrant cette grand portée, deux rangées d'isolateurs retiennent les fils. C'est du solide !
Ensuite, montée de l'autre extrémité, et dès que les agents sur poteaux peuvent saisir le fil, mise en place de la 'grenouille' (pince permettant de tirer le fil sans le blesser) et du palan de tirage.
Cette opération est longue car elle exige plusieurs 'reprises' de palan.
Et sera renouvelée pour chaque fil coupé.
Tout sera rétabi le lendemain dans la journée.